Darling, you give love such a bad name.

La musique était violente. Très forte, elle avait certainement dû déchirer quelques tympans depuis le début de la soirée. Sur la scène, un groupe jouait, arrachant les cordes de leurs guitares électriques, tandis que le chanteur était entrain d'hurler dans son micro des paroles qui, si on avait pu les comprendre, crachaient des textes parlant de thèmes sombres et gores à souhait. Partout, des jeunes gens dansaient, se trémoussaient, dans des vêtements de cuirs. Des cheveux colorés de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel parcouraient la pièce. Au bar, l'alcool coulait à flot. Ce genre d'endroit était monnaie courante dans le quartier dirigé par l'Ombre, car il permettait à de nombreuses personnes d'excercer des activités illégales, ou tout simplement réprouvées par la société.

Dans un coin de la pièce, il y avait des tables et des banquettes. Des hommes, des femmes, des transgenres, des androgynes, et tout un tas d'autres personnes, s'y adonaient à leurs plaisirs défendus. Partout, c'était le spectacle de la décadence et de l'anarchie.

Au milieu de la pièce, entre deux jeunes hommes torses nus, se tenait un jeune adulte d'une vingtaine d'année. Ses cheveux mi-longs, noirs corbeau, lui tombaient tout juste sur ses épaules nues. Il portait une combinaisons entièrement noire, en cuir moulant, qui découvrait seulement son cou et ses épaules. Un de ses yeux était caché par une longue mèche de cheveux, tandis que l'autre, d'un vert émeraude, brillait, souligné par un trait d'eye-liner sur la partie basse de l'oeil, et d'une traînée de fard à paupières noir sur le dessus. Sa peau était claire, et paraissait d'autant plus blafarde sous les néons bleutés de la boîte de nuit. Autour de son cou, le jeune inconnu portait une croix à la forme gothique, sertie d'un faux-rubis rougeoyant en son centre. 

Il souriait de ses lèvres pâles à l'homme devant lui, alors que celui derrière lui avait ses mains posées sur ses hanches, que le jeune homme faisait rouler au rythme de la musique. Le dos collé au torse recouvert de sueur de son partenaire, il dansait avec lui, charmant par la même son autre soupirant. Il passa sa langue sur ses lèvres d'un geste aguicheur.

Depuis quelques jours, Ayden avait changé, et pas qu'en bien.

La https://www.youtube.com/watch?v=07a9uj60_CM qui retentissait était envoûtante.

Ayden se retourna vivement, à peine conscient du monde autour de lui, hormis le regard bleu électrique de son partenaire de danse. Il se lova entre ses bras et passa une main délicate sur sa mâchoire carrée. Puis, d'un geste aussi furtif qu'inaperçu, il enfonça un poignard au manche argenté dans les intestins du jeune homme, posant une main sur sa bouche pour étouffer son cri, et remonta lentement jusqu'à sa poitrine, se délectant de sa souffrance. Personne ne l'avait remarqué, et il ne parut pas étrange qu'une personne s'effondre. C'était quelque chose de plutôt ordinaire, ici.

Quand la vie se fut éteinte dans le regard du beau blond au torse huileux, Ayden se détourna comme si de rien n'était. Il avait une autre victime à trouver, à charmer, et à tuer. N'importe qui ferait l'affaire, tant qu'il était beau, musclé, et attiré par son visage d'ange comme les abeilles sont attirés par du miel.

Son autre partenaire, envoûté par la grâce d'Ayden, n'avait rien remarqué, et le jeune homme lui sourit simplement d'un air narquois, avant de disparaître de son pas claudiquant dans la foule.

Sa jambe n'avait pas bien guéri de son mauvais rattrapage, alors qu'il sautait du haut d'un toit. Ca ne lui était jamais arrivé, auparavant. Il était connu pour sa faculté à toujours retomber sur ses pattes, à la manière d'un chat. Mais, lorsque l'esprit est tourmenté, le corps n'en réponds que plus mal.

Mais Ayden allait mieux. Il avait chassé le trouble de son esprit. La peine, l'amour, le regret, la douleur. Il ne ressentait plus rien que ce plaisir froid, grisant, qu'était celui d'ôter la vie d'un innocent.

Ayden souffla, sans surprise. Il avait sentit l'odeur de la jeune femme quelques secondes avant qu'elle le mette à terre, et il n'avait aucunement eut l'intention de l'en empêcher. Il voulait qu'elle voit ce qu'elle avait fait de lui. Il voulait qu'elle voit ce qu'il était devenu, en partie par sa faute. Il découvrit ses dents blanches et passa une main dans les cheveux roses de la jeune femme, mais elle commençait déjà à partir, affolée.

Il haussa les épaules d'un air désinvolte, donnant l'impression qu'il s'en fichait, puis il se mit en chasse. Il allait l'attraper, il en était certain. Ces dernières années, il s'était laissé allé, il était devenu mou, lent, pataud. Mais ces dernières semaines, il s'était entraîné à nouveau. Il était redevenu celui qu'il avait été toute son enfance, et il se sentait bien mieux comme cela.

En quelques secondes, il était derrière elle. Elle n'eut pas le temps d'expirer qu'il l'attrapait par le cou, la plaquait contre un mur et posait calmement la lame de son poignard entre le creux des reins de la jeune femme.

Il passa sa langue sur son cou, lentement, avant de prononcer simplement d'une voix rauque :

- Salut, Aya.

Ayden éclata d'un rire froid, impersonnel.

- SI tu crois que j'ai quoi que ce soit à dire sur ma coupe de cheveux, ma belle, tu te fourres le doigt dans l'oeil jusqu'au... hm.

Il n'était pas si bas au point de se laisser aller à de telle vulgarités. Le zip de sa combinaison était ouvert jusqu'au dessus de sa ceinture, laissant apercevoir sa hanche et un bout de son tatouage. L'autre, celui qu'il venait juste de se faire, était invisible pour quiconque tant qu'il ne décidait pas, volontairement, de le montrer. Car, si Ayden montrait parfois son torse, comme c'était le cas aujourd'hui, il n'exposait jamais son dos. Personne ne verrait l'impressionnante paire d'ailes qui ornait son dos désormais avant un long moment.

Il se rapprocha d'elle pour sentir son odeur.

- Hmm, tu sens toujours aussi bon. Et tu es toujours aussi insolente. Il est temps de corriger cela, tu ne crois pas ?

Alors que d'une main il maintenait Aya fixe contre le mur d'une poigne de fer, son autre main commença à entailler la peau fine de la jeune femme.

- Quand apprendras-tu le respect envers tes supérieurs ?

Il fit courir la lame sur quelques centimètres, créant un motif tarabiscoté, avant de planter le poignard sur la joue de la jeune femme.

- Tu feras ce que je t'ordonne bien sagement ?

Son oeil unique brilla d'intelligence et de satisfaction, tandis qu'un sourire narquois se formait sur sa bouche pâle.

- Ce n'est pas le seul moyen, et tu le sais tout aussi bien que moi.

Son sourire s'élargit.


Il marchait dans les couloirs de K.A.G.E.N, complètement désorienté. Il tentait de rejoindre sa chambre, et Dieu seul sait à quel point s'était dur pour lui ne serait-ce que de mettre un pied devant l'autre étant donné le taux d'alcoolémie que l'on aurait pu enregistrer en analysant son sang. Le fait qu'il ait réussi à rejoindre son QG provisoire était déjà un exploit, et il n'avait aucun souvenir de comment il était retourné là bas.

Ses pas totalement non coordonnés résonnaient dans le couloir qu'il pensait vide. Puis, soudain, il buta dans quelque chose de mou.

- Ah, Ayden, je te cherchais... Mais qu'est-ce que ?!

Retentit une voix étonnamment familière. Ayden se contenta de lui sourire, et se mit à rire d'un air complètement désorienté avant de s'évanouir dans le couloir.


Il caressa la joue d'Aya d'un air provocateur.

- J'ai entendu dire que tu recherchais quelqu'un ?

Ses canines brillaient, et il jubilait. Il avait trouvé un moyen de pression.


- Donc, vous me dites que cette fille a réussit à laisser échapper un de ses secrets ? Un de ceux qui risque le plus de la détruire ?

Bladen découvrit ses dents et fixa son frère adoptif.

- Absolument. Et tu vas faire exactement ce que nous te disons.

- Oui. Bien sûr. J'obéirais à n'importe quel ordre du chef.

- Bien. Je vois que ce petit séjour en prison t'as fait le plus grand bien.

- Oui, Bladen.


- Elle est charmante, d'ailleurs.

Ayden se rapprocha d'elle pour lui souffler dans l'oreille :

- A-Su-Ra ~

Il se recula quelque peu pour observer l'expression d'Aya.

- Elle crie avec merveille. Ca a été un tel plaisir de la torturer ! Si seulement tu avais pu être là pour le voir ! Oh, c'est vrai... Tu l'as abandonnée, et maintenant, elle te déteste. Elle te hait, et ne veux plus jamais entendre parler de toi. Tu aurais dû voir la tête qu'elle a fait quand je lui ai parlé de toi ! C'était délectable. J'ai rarement vu autant de haine dans les yeux de quelqu'un, et crois-moi, je m'y connais en haine... !


Il observait la jeune femme, attachée sur une chaise de manière très serrée, un bâillon autour de sa bouche. Ayden s'approcha de la petite table sur laquelle était posés divers éléments de torture.

Il en saisit un au hasard et se rapprocha de la rouquine.

- Sache que si je fais tout ça, Asura, c'est simplement car ta soeur a tendance à trop se mêler de mes affaires.

Il plongea dans la torture avec autant de plaisir que l'on plonge dans un bain bien chaud après une longue journée de travail.


- Si tu veux récupérer Asura, tu vas faire exactement ce que je te dirais.

Il relâcha alors toute la pression qu'il avait sur Aya, la regardant droit dans les yeux d'un air droit et stoïque.

Son prénom, dans sa bouche. Ce fut le véritable choc. Quelque chose se noua dans sa gorge et chaque inspiration semblait évaporer dans l'air toute force de son corps. Elle prononça silencieusement le prénom de sa sœur.

Elle se mit à trembler et à le fusiller du regard.

- Tu n'as pas le droit de prononcer son nom. Tu n'as pas le droit de la toucher. Tu as intérêt à ne plus t'approcher d'elle. Elle n'avait pas besoin de toi pour soufrrir.

Elle fulminait et tenta de s'avancer vers lui pour lui tenir sa chevelure d'une poigne ferme. Mais elle s'effondra à ses pieds, quelques cheveux noirs fraîchement arrachés dans sa main.

- Non.. Elle n'est pas du genre à détester quelqu'un, elle... Elle. C'est tout le contraire de moi, elle ne peut pas me détester... Elle ne peut pas détester quelqu'un... C'est pas possible...

Les yeux écarquillés posés dans celui de son interlocuteur, elle cherchait un indice, quelque chose qui lui indiquerait qu'il lui mentait. Mais il savourait trop ce moment de puissance pour laisser paraître quoi que ce soit.

- Comment tu as su? Relâche-la, laisse-la.

Elle tenta de se relever mais, encore sous le choc de ce qu'elle venait d'apprendre, s'effondra sur Ayden. Elle ne trouvait rien à dire, rien à faire. Apprendre qu'Asura souffrait par sa faute et qu'elle la détestait l'avait laissée vide, impuissante, à nu. Complètement vulnérable, sans aucun but, aucune volonté, si ce n'était celle de libérer sa soeur et de lui assurer une vie sans souffrance.

- C'était à moi de lui dire...

Elle tentait se gagner du temps, pour réfléchir. Mais elle se rendait bien à l'évidence qu'elle devait coopérer.

- Il faut que je fasse quoi?

Il se délectait de sa souffrance. Il aimait la voir souffrir, se tourmenter ainsi, il aimait cette sensation de supériorité, comme s'il était le maître du monde. Un mot, un seul, et la jeune femme pouvait éclater en larmes, brisée.

Mais quelque chose au fond de lui ne pouvait se résoudre à la faire souffrir ainsi. Il se mordit la lèvre, mais ne dit rien de plus que ce qu'on lui avait dit de dire :

- Tu obéiras à chaque ordre que je pourrais te donner. Tous mes ordres, sans exception, suis-je bien clair ?

Il la dévisageait d'un air dur, froid, indéchiffrable.

Ce qu'il ne savait pas, c'est qu'elle était tout à fait capable de voir derrière son masque. De voir l'homme brisé qu'il était. De voir à quel point il avait besoin d'elle, même si ne l'avouerait jamais, et encore moins à lui-même.

Aya serra les dents et se redressa, le défiant de ses yeux rougis de rage et de douleur.

- Putain mais je t'ai déjà dit oui !

Le sentiment d'impuissance se faisait de plus en plus grand. Et plus il la regardait, plus elle avait envie de mourir sous ses yeux. Après tout, il n'avait fait qu'exploiter ses faiblesses et si elle n'avait pas été aussi incapable et lâche auparavant, rien de tout ça ne serait arrivé, Asura n'aurait pas été torturée.

Elle secoua la tête et rechargea son arme d'un geste rageur. Le chargeur n'était pas vide mais elle ne savait plus comment agir, que faire. Elle tira à plusieurs reprises sur un toit voisin et planta ses yeux dans celui d'Ayden avant d'appuyer son canon brûlant sur sa propre tempe avant de le faire glisser le long de sa joue puis sur son cou.

- Vous essayez de me détruire, pour mieux m'utiliser. Je vais faire ce que vous voulez mais... Tu sais très bien que c'est lorsque l'on touche le fond qu'on en devient le plus fou et le plus dangereux.

Elle s'approcha de lui, elle n'avait plus rien à craindre, et ce pour deux raisons. La première était qu'ils avaient besoin d'elle visiblement, la deuxième était qu'elle savait que tout ça était sa punition, alors elle l'acceptait.

- Peu importe le prix, je vais vous détruire, tous.

Les larmes ne coulaient plus, elle ne tremblait plus. Elle était résignée et décidée.

Il sursauta et une lueur de panique brilla dans ses yeux quand la jeune femme approcha l'arme de son visage, visiblement bien décidée à tirer. Il ferma les yeux, prêt à encaisser la perte d'une personne de plus. Il se préparait déjà à créer cette carapace incassable derrière laquelle il cachait tout ses sentiments trop forts.

Mais au bout de quelques secondes, la jeune femme se mit à parler. Il rouvrit les yeux, soulagé, et arracha l'arme de ses mains avant de la jeter au loin - une erreur qu'il n'aurait jamais commise s'il avait été dans son état normal - et de prendre Aya par les épaules avant de la coller brutalement contre lui même, dans une étreinte maladroite.

- Je t'interdis de refaire ça.

Sa voix qu'il voulait impassible tremblait, de même que son corps tout entier. Il avait eu peur. Si elle disparaissait, il n'aurait plus personne contre qui se battre avec tant de vigueur.

Ses cheveux teints flottaient dans le vent. C'avait été une sacrée connerie de les teindre, mais on ne lui avait pas laissé le choix. On ne lui laissait jamais le choix.

La jeune femme garda un air impassible, mais toujours cette étincelle de colère brillait au fond de ses yeux.

- Qu'est ce que ça peut te faire ?

Elle respira l'odeur d'Ayden de façon laconique avec réconfort. La brûlure était douloureuse mais elle refusait de se laisser aller à quelques plaintes.

- Je ne t'appartiens pas. Je ne vous appartient pas. Et... Tu viens de te trahir toi-même... Tu prétends avoir changé mais tu m'as gardé une place.

Aya plongea son regard turquoise dans celui d'Ayden.

- Jusqu'où suis-je ancré en toi?

Elle passa ses doigts le long de sa nuque, son parfum à ce moment là était totalement enivrant. Peut-être à cause de son état de faiblesse actuel, de la force qui avait émané de lui il y avait un instant.

- Tais-toi.

Il détourna le regard.

- Je te déteste.

No one knows what it's like to feel these feelings... like I do, and I blame you !

- Je te hais. Ta soeur en a fait les frais,d 'ailleurs.

My love is vengeance, that's never free. Un sourire s'étira sur ses lèvres, un sourire mauvais. Il essayait de reprendre contenance.

No one knows what it's like to be the bad man...

Elle tomba presque au ralentit. Il suivit sa course, inlassablement, de son oeil unique, pour la voir s'étaler sur le sol. Son coeur battait à cent à l'heure. Plus rien autour de lui n'existait que le corps immobile d'Aya. Il serra les dents et se jeta du toit, se réceptionnant avec difficulté sur sa jambe droite encore fragile, et courru presque jusqu'au corps d'Aya. 

Elle était vivante. Il lui semblait qu'elle pleurait, mais il n'arrivait pas à en avoir le coeur net. Malgré son regard vide, elle était en vie.

Il la serra dans ses bras avec toute la délicatesse dont il pouvait faire preuve, et lui chuchota dans le creux de l'oreille :

- Oh, Aya, je suis tellement désolé, tellement... Si les circonstances avaient été différentes, je... Mais ce n'est pas moi qui décide, tu comprends ? Je n'ai... Pas le choix...

Il serra les dents une dernière fois, puis la déposa doucement sur le sol, pour ne pas la blesser, avant de se relever et de s'apprêter à partir. Elle allait s'en sortir.

Elle était forte.

Tout au contraire de lui.

Ses os. Elle les avait entendu avant de les sentir se briser sous le choc. Elle aurait dû mourir... Si il n'y avait pas eu ce balcon... Elle ne l'avait pas vu et elle s'en voulait. Elle avait raté son coup et elle se détesta instantanément pour ça. Elle avait voulu se relever et partir en courant. Elle avait tristement échoué dans sa vie... Jusqu'à sa mort. Mais elle ne pouvait pas. Ce n'était pas à cause d'une douleur quelconque parce que ses jambes... Elle ne les sentait plus.

Un vent de panique s'empara d'elle, dominant la douleur qui brûlait ses vertèbres et son épaule disloquée, avant de comprendre.

Elle ne les sentairait plus jamais. Elle ne pourra plus rien faire. Qui allait-elle impressionner maintenant ? Elle n'allait plus pouvoir profiter de rien... Elle aurait dû mourir.

Son regard se porta sur le balcon responsable de tout ça, et elle se mit à pleurer, de rage, de déception, de douleur tant physique que morale.

Ayden était descendu et s'était approché. La jeune femme émit plusieurs gémissements de douleur, entrecoupés de pleurs lorsqu'il la prit dans ses bras. Il y avait mis toute la douceur possible mais ses blessures n'étaient pas anodines.

Elle pleura encore plus en entendant sa voix, en sentant son odeur. Elle avait lamentablement échoué et tout s'était arrêté là. Elle ne dit rien, ne fit aucune remarque sur ce qu'il lui avait chuchoté. Elle ne lui en avait pas voulu, jamais, c'était de bonne guerre. Enfin.. Ça c'était avant qu'ils s'en prennent à sa sœur.

Elle ressentit les pavés froids revenir embarrasser sa peau par endroits et elle l'entendit partir. Elle ne pouvait pas le voir, elle ne pouvait pas bouger. Si il l'abandonnait ici, elle allait mourir.

Elle était dépendante. C'était ça, la fin.

- Me laisse pas ici...

Sa voix avait été étouffée si bien qu'elle n'avait pas réussi à prononcer sa phrase en entier.

- Ayden.. Ayden..

Elle se mit à sangloter de plus belle, les larmes coulant sur son visage tuméfié.

- Ayden.. S'il te plaît Ayden... Ayden me laisse pas là.. Je.. Je sens plus mes jambes.. Je peux pas bouger... S'il te plaît... me laisse pas là. Ayden...

Aya se détestait. Vraiment.

C'était comme si un feu glacé venait lécher tout son corps, le figeant sur place, et qu'un bol de métal brûlant lui tombait dans l'estomac. Quelque chose lui picota l'arrière du crâne, et il se retourna avec lenteur.

Il avait dû mal entendre.

- Qu'est-ce que tu racontes ?

Il fronça les sourcils et la dévisagea d'un air sévère.

- Tu crois que ton cinéma va marcher sur moi, va m'attendrir ? Tu peux crever Aya, pour c'que j'en ai à foutre.

Il ne laisserait pas la culpabilité le ronger. Car si elle disait vrai, si elle ne sentait plus le bas de son corps, c'était de sa faute. C'était à cause de lui qu'elle était montée sur ce toit. A cause de lui qu'elle en était tombée. C'était de sa faute si elle était brisée, et pas que métaphoriquement... 

Il serra les dents et se détourna. Ses new rocks claquaient contre l'asphalte.

Il ne se retourna pas.

Il ne se retournerait pas.

Il n'en avait pas le droit. Il n'avait pas le droit de la sauver.

Elle méritait mieux, bien mieux que lui.

Lorsqu'il fut hors d'atteinte, loin d'elle, là où elle ne pouvait plus l'entendre, il composa le numéro des urgences. Il précisa que c'était lui à l'appareil. Les pompiers furent là en cinq minutes. Dans l'ombre, il les observa prendre soin de la jeune fille, la porter dans l'ambulance, vers le meilleur hôpital de la ville. Il paya tout ses soins, et avança un mois de séjour à l'hôpital, mais il demanda à ce que la jeune fille ne soit pas informée que c'était lui qui payait. Il menaça suffisamment la direction de l'hôpital pour qu'ils acceptent de le faire passer pour un bienfaiteur anonyme, tout en traitant la jeune femme comme une princesse.

Ayden disparu dans les ténèbres une fois l'argent donné et les menaces proférées.

Il n'avait plus le droit de s'immiscer dans la vie de celle qu'il avait détruite.

Il ne pensait pas qu'il était possible qu'il se haïsse d'avantage, et pourtant, il ne pouvait même plus se voir en peinture.

Tout était de sa faute.

Entièrement... de sa faute.

Elle l'avait supplié, comme un condamné l'aurait fait pour que la cour revienne sur sa décision. Mais pour elle, c'était la fin de la partie. La vie ne reviendra pas en arrière et elle continuera d'avancer avec ou sans elle. Tout comme lui. Une vague de froid l'envahit en entendant ses mots, en entendant ses pas s'éloigner, sans qu'elle puisse analyser quoi que ce soit.

À ce moment, elle aurait voulu hurler, lui tirer une balle entre les deux omoplates, planter une lame dans son crâne mais elle se contenta de murmurer avec autant de force qu'elle aurait pu y mettre.

- Tu étais ivre mort dans la rue... Tu allais crever si je ne t'avais pas ramené chez moi pour prendre soin de toi... J'avais tout mis sur pause pour toi... Pour te remettre sur pied..

Mais il ne devait plus l'écouter, il ne devait même plus pouvoir l'entendre. Le bruit de la ville surplomba à nouveau la scène, comme si elle avait retint son souffle le temps de la confrontation et qu'elle la laissait tomber comme Ayden le faisait. Elle allait finir engloutie, dévorée par Heaven.

La jeune femme attendait que quelque chose se passe, que quelqu'un arrive pour la voler ou pire. Elle ne pleurait plus. Tout simplement parce qu'elle ne le pouvait plus. Elle restait à l'écoute des bruits qui l'environnaient, afin de se préparer. Mais rien, personne ne venait et le temps lui semblait terriblement long.

La douleur était indescriptible et la frustration était à en mourir. Elle aurait pu partir si ses bras n'avaient pas été brisés. Mais il avait fallu qu'elle échoue jusqu'au bout.

Des sirènes se firent entendre. Immédiatement elle pensa aux personnes de la boîte de nuit, un peu plus tôt, comas ethyliques, blessures en tout genre... Mais elle n'avait pas imaginé une seconde que les lumières bleues de l'ambulance allaient se refléter sur les murs de la rue dans laquelle elle était. Elle ne comprenait tout simplement pas.

Elle ne les vit pas descendre, elle ne les regarda même pas lorsqu'ils l'emmenèrent à l'arrière. Elle voulait comprendre mais on ne lui laissa poser aucune question. Ils s'affairaient autour d'elle comme si sa vie était en danger. Elle l'avait été, elle ne l'était plus maintenant. Malgré la douleur qui brûlait chaque partie de son corps, elle savait qu'elle n'allait pas mourir, tant qu'elle ne restait pas une minute de plus dans cette rue, dans ce quartier, dans cette zone.

Après plusieurs minutes qui lui semblaient interminables, on lui annonça l'hôpital dans lequel elle allait aller, lui certifiant qu'elle allait bénéficier de tous les soins nécessaires. Et elle n'en douta pas. Qui avait pu appeler l'ambulance et payer le meilleur hôpital, mais aussi le plus cher d'Heaven?

Personne ne lui répondit clairement. "Un bienfaiteur anonyme". Ces trois mots revenaient en boucle à chaque fois qu'elle posait la question, comme un disque rayé.

Enfin, elle fut transférée dans un service adéquat. Il fallait désormais qu'elle attende, qu'elle se rétablisse. Plusieurs os de son bras droit avaient été brisé : elle était tombée dessus après avoir basculé à cause du balcon. Son épaule gauche avait été rapidement remise en place mais il fallait attendre pour rétablir le système. Mais pour ses jambes, il n'y avait plus rien à faire, si ce n'était de vivre avec, ou plutôt sans. Ses vertèbres avaient été lésées. Heureusement pour elle, elle n'aurait aucun problème d'incontinence puisque cette zone n'avait pas été impactée par la lesion. On lui precisa également que seules les fonctions motrices et sensorielles des jambes avaient été touchées. Seulement ses jambes. Devait-elle de réjouir ? Sûrement. Mais elle n'avait pas le cœur à ça. Elle était paraplégique désormais et elle devait achever ses missions puisqu'elle était en vie. Il fallait qu'elle se remette au plus vite.